A l’occasion de son salon d’art des 24,25 et 26 mars 2017 l’Académie Européenne des Arts-France organise un concours Littérature-Poésie. Le règlement sera consultable sur le site AEAF. 

 

Comment apprécier et commenter une œuvre soumise par son auteur aux remarques d’une assemblée d’artistes?

Question difficile à traiter, le domaine de l’art ne relevant pas d’une science exacte comme peuvent l’être les mathématiques, la physique ou la chimie.
Tout d’abord qu’est-ce que l’art ? L’art est le moyen d’exprimer, de communiquer et de soumettre aux autres ou simplement à soi-même une sensation, une pensée, un sentiment, une vision des choses de la vie, qu’elles soient matérielles, naturelles ou imaginaires. Récemment dans son exposé sur Courbet au lycée Ste Marie d’Antony, l’académicien Jean Luc Marion disait en préambule que l’art c’est produire et non reproduire, remarque importante dans la question qui nous concerne ici. Il voulait par là montrer que réaliser une œuvre d’art c’est sortir de la réalité et, pour l’artiste, offrir sa propre vision des choses au sens large du terme. La peinture n’est jamais de la photo même dans la plus pure représentation figurative.
Ce court préalable établi quelle est la valeur des critiques qu’un public d’artistes s’autorise à faire devant une œuvre picturale qui lui est soumise ? On peut entendre des remarques telles que « j’aurai mis du rouge et non du vert » « c’est trop centré » « ton horizon est trop bas » etc…Ces observations peuvent être justifiées sur un plan purement technique, mais ils ne tiennent généralement pas compte de la pensée de l’artiste au moment où il a réalisé son œuvre. Un artiste de qualité connu de beaucoup d’entre vous place toujours son horizon très proche du bord inférieur de sa toile. Courbet lorsqu’il a
peint son célèbre chêne a placé le tronc au centre de sa toile. Ces exemples pourraient être critiquables mais relèvent sans doute de volontés, dans le premier cas celle d’exprimer un ressenti face à l’immensité du ciel et à la beauté des masses nuageuses et dans le second cas celle d’exprimer une forte impression face à la puissance d’un tronc de chêne plusieurs fois centenaire. Courbet a même été jusqu’à tronquer le feuillage de ce chêne par les bords de sa toile pour marquer d’un accent cette impression.
Pour la question qui nous concerne ici il est par conséquent préférable que les premiers échanges lors de la présentation d’une œuvre portent essentiellement, pour l’exposant, sur sa pensée et sur ce qu’il voulait représenter en réalisant cette œuvre et, pour le public d’artistes, sur son ressenti émotionnel, son incompréhension, sa gêne ou encore sur le côté plaisant de la représentation picturale. Ce n’est qu’à partir de ces premiers échanges que les suggestions et critiques devraient être formulés mais sans trop de précision comme celle d’un choix de couleur. En revanche si l’auteur de l’œuvre le demande on peut lui suggérer des idées pour accentuer un effet de lumière ou un contraste mais l’exposant doit toujours rester propriétaire de sa création. Celle-ci ne doit pas être en final le résultat de conseils trop précis. Il ne faut pas perdre de vue qu’un artiste qui s’exprime au travers de l’art dévoile une partie de lui-même. Des remarques trop catégoriques pourraient exacerber sa susceptibilité et atteindre son sentiment d’appartenance. Il doit pouvoir pleinement savourer le plaisir d’avoir exécuté une œuvre à succès. De même si c’est un échec il doit l’attribuer à sa représentation ou à ses choix de couleurs. Les corrections viendront de lui-même ! Nous ne sommes pas ici dans le cadre de l’enseignement des techniques picturales mais dans celui des présentations et des échanges d’impressions. L’exposant doit tirer lui-même les conclusions de ce qu’il entend et s’interroger sur la nécessité d’en tenir ou non compte. Pour terminer ce bref exposé issu d’une réflexion entre membres du CA du CCAA, une remarque qui a son importance pour la création artistique : la pensée initiale évoquée précédemment, celle de l’artiste lorsqu’il peint, ne doit pas être de produire quelque chose pour le vendre mais en premier lieu d’exprimer par une technique personnelle, des beautés naturelles perçues dans les choses de la vie, un ressenti voire un fantasme ou un inconscient que l’artiste se révèle à lui-même. La vente est un second aspect qui récompense le premier. Certains le font par l’écrit, la musique, la danse.
Voilà le résultat d’une réflexion qui n’a pas la prétention de devenir une règle incontournable mais qui peut contribuer à de bonnes relations entre artistes.

AG  CCAA du 20/11/2014.

Daniel Lucas assisté de Anne Pinoche-Legouy.

Peindre c’est ouvrir son esprit, révéler son âme et transmettre ses évasions et émotions, comme pour tout art. Daniel Lucas.

L’INSPIRATION EN PEINTURE. Exposé-débat AEAF du 7/4/2013.

L’exposé que je vous propose aujourd’hui en introduction à un débat est le résultat en premier lieu, d’un travail de recherche dans les écrits d’historiens puis, d’interviews de peintres proches de moi, enfin de réflexions personnelles.

Au delà de la banale et mécanique inspiration physique par voie pulmonaire le petit Larousse défini le terme d’inspiration par l’influence divine ou surnaturelle, l’enthousiasme créateur, l’idée géniale soudaine, d’une manière plus générale pour ce qui concerne l’artiste je dirais, l’influence exercée sur lui lorsqu’il compose une œuvre ou qu’il la prépare.

Si cette inspiration semble relever de notions très confuses pour lui, métaphysiques voire spirituelles qu’il ressent comme un message inexpliqué, comme une pulsion immédiate, elle relève effectivement souvent et plus explicitement d’influences comme le précise le dictionnaire, influences présentes ou provenant du vécu. Ceci apparaît plus saisissable pour l’esprit que la notion d’inspiration mais nous verrons aussi que pour la peinture une certaine intellectualisation peut se mêler ou se substituer aux inspirations et influences.

Pour tenter de mesurer les types d’influences que les peintres peuvent recevoir alors qu’ils peignent ou qu’ils projettent de peindre et font travailler leur mental d’artiste tout en se promenant, en dialoguant, inconsciemment en dormant, bref dans les moments de leur vie quotidienne, j’ai commencé par Van Gogh, Cézanne, Renoir, Matisse, Derain, Kandinsky puis je suis allé voir certaines constructions scientifiques du côté de Botticelli et de Léonard de Vinci. Enfin j’ai rencontré quelques amis artistes qui se sont gentiment prêtés à mon interview.

J’ai dégagé dans un premier temps des livres que j’ai lus et des interviews que j’ai réalisées deux types d’influences pouvant favoriser le jaillissement d’idées chez un artiste peintre. Les premières influences sont celles exercées par l’environnement familial éducatif et religieux, l’environnement socioculturel et artistique et l’environnement géographique avec tout ce que cela comporte comme musiques, parfums, éclairages générant des visions plus ou moins réalistes, abstraites, voire complètement ésotériques. Peuvent s’ajouter à ces visions des révélations spontanées, divines pour certains comme l’indique le dictionnaire. Chacune de ces influences peut produire des forces dominantes amenant à ressentir et percevoir un thème à peindre. Les beautés ressenties, leur rudesse, leur spiritualité, d’une manière plus générale les messages reçus ainsi agissent comme des empreintes spirituelles qui conduisent l’artiste. Ce sont tous ces facteurs que j’appellerais les influences externes. Il y a ensuite les influences internes de l’artiste que produisent ses besoins psychiques et psychologiques voire matériels, l’entraînant à imaginer, traduire, créer et  construire pour ressentir un plaisir, le plaisir de concevoir, pour s’affirmer, pour séduire ou pour être acheté par nécessité économique. De ce dernier point vue les choix de telle scène, de tel montage, de telles couleurs, de tel style, et au-delà des autres besoins, deviennent particulièrement déterminants. Les constructions mentales acquises au cours de sa vie, notamment professionnelle, agissent également sur le choix du style qui pourra être très personnel, emprunté, novateur mais l’on rejoint là les influences environnementales précédentes. Je m’aperçu effectivement très vite que ces deux types d’influence, externes et internes, n’allaient pas l’un sans l’autre. Ce que choisit, interprète et construit l’artiste peintre, tant dans le style que dans le thème, est la conséquence de tout ce qui précède. Son éducation, ses environnements, son organisation intellectuelle, ses besoins profonds interviennent dans chacune de ses œuvres sans qu’il s’en rende forcément compte à moins qu’il se consacre essentiellement à reproduire des œuvres de grands maîtres ce qui ferait surtout intervenir son professionnalisme. L’on pourrait dire en première conclusion que le style et le thème de chaque œuvre est le reflet des influences qu’a reçu et que reçoit son créateur, le thème pouvant être cependant orienté selon les goûts artistiques des amateurs d’art. Dans ce cas le travail reste en général de bonne qualité artistique, subsistant l’essentiel, le style, résultats d’influences passées.

Un ami peintre m’a soufflé il y a quelques temps un propos relevé par Gaudi architecte et sculpteur espagnol suivi de sa remarque: « La création continue incessamment par l’intermédiaire de l’homme ». Gaudi ajouta « Mais l’homme ne crée pas il découvre. Ceux qui cherchent des lois de la nature comme appui de leurs œuvres nouvelles collaborent avec le Créateur. Les copistes ne collaborent donc pas. C’est pourquoi l’originalité consiste à retourner à l’origine ». Comme on peut le constater il faut voir l’inspiration dans un sens très général qui peut aller jusqu’au raisonnement. Il faut toutefois admettre qu’un copiste collabore à la création dans la mesure ou  ce qu’il découvre pour lui-même lui sert à découvrir par la suite ce qui ne l’a pas encore été.

Van Gogh, le peintre d’Auvers/oise, trouvait l’inspiration dans l’âme des scènes qu’il rencontrait et que lui suggérait son éducation religieuse calviniste très rigoureuse et attentive à la dureté de la vie, notamment paysanne comme on le voit dans ses toiles. Dans les paysages courants de la nature il pouvait y voir, quelques fois de façon hallucinatoire selon certains auteurs, l’expression de vies difficiles comme à titre d’exemple, disait-il, ceux de la vieillesse à l’hospice dans une rangée de saules pleureurs. Cette influence d’éducation rigoureuse initiale se trouvait elle-même influencée progressivement au cours de sa vie par ses lectures notamment de Zola et son goût pour la musique de Wagner. Il était convaincu du rapport existant entre la peinture et la musique. Les peintures flamandes du 17ème siècle, celles de Delacroix et les estampes japonaises que l’on aperçoit en arrière plan de quelques toiles, sans doute issues de références prises chez le peintre japonais Hiroshige, mais aussi les travaux des impressionnistes et le rejet de l’académisme de l’école des beaux-arts, auront un effet sur son inspiration. Enfin, certains auteurs pensent que derrière la carapace éthique protestante de Van Gogh se cachait un besoin d’autojustification comme s’il avait un prix à payer pour être venu au monde, ce qui a dû influencer certaines de ses peintures. Ses tracés tortueux témoignent de toutes ces influences comme on le voit dans « Le moissonneur ».

Chez Cézanne l’influence des maîtres anciens était réelle notamment celle de  Delacroix mais trouver un style personnel correspondant à son mental l’obsédait. Au début son énergie et sa conception étaient tendues vers la réalisation d’œuvres absolues dont les tableaux précédents ne constituaient que les étapes vers cet aboutissement. Il réussissait ensuite à organiser ses sensations et à dompter ses émotions par des tracés très équilibrés sans en retirer l’émotion. Il travaillait la nature en la traitant comme il le disait par le cylindre, la sphère le cône le tout mis en perspective. Le sujet de certaines de ces toiles est « aboli » au profit de la forme, de la couleur et du mouvement. Les plans et les tracés s’équilibrent toujours entre-eux. L’exemple le plus marquant pour moi est la toile «Le pont de Maincy ». Les influences internes notamment trouver un style étaient très fortes chez lui.

Renoir, lui, trouvait son inspiration dans une société plutôt bourgeoise. Il recherchait toujours ce qui était positif et généreux. Il se voulait néanmoins un artisan plus qu’un artiste qui créerait par la seule force du génie. Reçu aux Beaux-Arts il en rejette l’enseignement après quelques différents. Ses idées étaient profondément différentes de celles de Zola qu’il côtoyait. La peinture disait-il « doit être une chose aimable, joyeuse et jolie » comme le montre « La balançoire » et bien d’autres toiles. Ses influences étaient manifestement à l’opposé de celles de Van Gogh. Le monde paysan était pour lui heureux. Proche des impressionnistes il s’en éloigna cependant sans tomber dans celui de l’expressionnisme plus intellectuel. C’était le peintre des femmes mais il ne les aimait paraît-il que si elles pouvaient lui servir de modèle, ce qui est écrit ! Il disait aussi que, je cite pour amuser, « si le téton de la femme n’existait pas je n’aurai pas choisi de faire ce métier » et que « quand j’ai peint une croupe et que j’ai envie de la toucher, c’est qu’elle est achevée » en parlant de sa toile bien sûr.

Derrière ces manifestations d’influences multiples fin 19ème début 20ème siècle comme on vient de le voir, il y avait aussi le besoin, le désir d’évoluer dans leurs techniques d’expression comme on le sentait déjà chez Cézanne et c’est là sans doute l’influence d’un monde technologique naissant mais, c’était aussi celles de certaines pensées philosophiques de l’époque comme celles de Bergson ou de Nietzsche que je ne me hasarderai pas à développer mais qui ont agit sur la pensée des Fauves. Le fauvisme avec Matisse et Derain constitue un exemple de cette tendance. L’inspiration purement picturale quel qu’en soit le thème s’est effacée derrière le besoin d’une expression nouvelle en révolte par rapport aux précédentes. A l’origine, pour Matisse et Derain cette volonté s’exprimait par des couleurs plus violentes et par une « déconstruction ruineuse encolorée », comme je le lis et que je le vois, dans les œuvres très expressives de Matisse telles « La femme au chapeau » ou « L’idole » ou encore  « La japonaise au bord de l’eau » plus suggestive. Celle de Derain, comme dans « Londres : Les quais de la Tamise », d’exécution rapide en est également un exemple. Dans une lettre à Matisse de Derain celui-ci dit « ce qu’il faut à tout prix, c’est réformer la conception d’harmonie qui fait croire que pour être harmonieux, il faut être gris, c’est à dire présenter une surface unie lisse sans brusques écarts. Il y a toujours harmonie dès que les tons s’expriment les uns par les autres et que leur somme est un ensemble absolu ordonné »,  disait-il. Ce propos conserve à mon sens toutes ses valeurs aujourd’hui. Dans un entretien entre Matisse et Apollinaire il est dit « Henri Matisse construit ses tableaux au moyen de couleurs et de lignes jusqu’à donner de la vie à ses combinaisons, jusqu’à ce qu’elles soient logiques et forment une combinaison fermée dont on ne pourrait enlever ni une couleur ni une ligne sans réduire l’ensemble à la rencontre hasardeuse de quelques lignes et de quelques couleurs. Ordonner un chaos, voilà la création » ajoutait-il. Un propos que j’ai également retenu avec intérêt : « La lumière n’a pas à être représentée mais à être créée ou, disons, produite par des accords de couleurs proportionnés de telle manière qu’ils établissent entre eux, quel que soient leurs écarts par rapport au ton local, une harmonie dynamique, une pulsion expansive de la forme ». Dans mes lectures je note enfin le propos du journaliste américain Gelett Burgess qu’il a faite après une visite des ateliers de Fauves : « Il m’était apparu qu’il y avait une logique de la laideur comme il y a une logique de la beauté; que peut-être, l’un n’était que le négatif de l’autre, une image inversée, qui aurait peut-être sa propre valeur et son propre sens ésotérique ». Pour terminer mon propos sur cette évolution par la peinture fauve et ses effets sur l’inspiration en peinture, celle parallèle et plus tardive de Matisse vers les arts décoratifs comme dans « Bonheur de vivre » est arrivée comme un apaisement mais pas sans tendances évolutives. Ils ont également fait son succès.

Avant d’aborder Kandinski je ne manquerai pas d’évoquer l’exposition « Bohêmes » qui s’est tenu à Paris récemment et qui montre la fascination qu’exerçait la vie libre des Tsiganes, Gitans, etc…..leur accoutrement, leurs danses et l’activité des diseuses de bonne aventure. Plusieurs toiles de Courbet, Corot, Van Dongen, Van Gogh et aussi Renoir le confirment. Une certaine répression envers ces populations  ralentira cependant ces effets sur l’inspiration des peintres.

Kandinsky éprouvait lui le besoin de substituer à la figuration et à l’imitation de la réalité extérieure du monde matériel une création pure de nature spirituelle qui ne procède que de la seule nécessité intérieure de l’artiste, ou pour reprendre la terminologie du philosophe Michel Henry, substituer à l’apparence visible du monde extérieur la réalité intérieure pathétique et invisible de la vie. Kandinsky pense que la couleur peut être utilisée dans la peinture comme une réalité autonome et indépendante de la description visuelle d’un objet ou d’une autre forme. Dans son premier grand ouvrage théorique sur l’art, intitulé «  Du spirituel dans l’art  et dans la peinture en particulier», paru fin 1911, il expose sa vision de l’art dont la véritable mission est d’ordre spirituel, ainsi que sa théorie de l’effet psychologique des couleurs sur l’âme humaine et leur sonorité intérieure. Il est considéré comme le créateur de l’art abstrait qui comme la musique ne cherche pas à représenter vainement le monde extérieur mais simplement à exprimer de façon immédiate des sentiments intérieurs à l’âme humaine. Cette comparaison avec la musique me paraît fort intéressante pour expliquer effectivement certaines peintures abstraites.

J’avais initialement prévu d’arrêter là ma recherche et mon analyse sur ces quelques maîtres de l’entre-deux siècles 19, 20ème mais une certaine sensibilité chez moi aux sciences mathématiques m’ont conduit à remonter plus loin et aller rechercher l’influence scientifique chez certains peintres du 15 et 16ème siècle comme Botticelli ou Léonard de Vinci. Les analystes ont constaté que leurs œuvres débutaient par une construction selon le nombre d’or dans lequel l’on voyait une signification mystique voire une clé pour expliquer le monde visible. Les rapports aboutissant à ce nombre se retrouveraient dans de multiples constructions du milieu naturel. Cette notion admise, voire divine, elle pouvait pour certains relever de l’inspiration, celle-ci étant intuitive ou consciente. Le rapprochement de l’art aux mathématiques m’amène également aux deux interrogations suivantes quant à l’inspiration. Quel peintre n’a pas éprouvé le besoin et ressenti intérieurement la nécessité de loger ses espaces et ses sujets dans des ensembles géométriques en équilibre ? Qui n’a pas au cours de quelques devoirs mathématiques été séduit par la beauté d’une courbe à l’issu de l’étude d’une fonction algébrique? J’ai moi-même en tête celle d’une fonction, je crois me rappeler en sinus carré, qui débouchait sur une superbe sinusoïde amortie. Le peintre Escher, lui, s’inspirait des géométries de l’impossible qui, à titre d’exemple, dans un bâtiment, vous engageaient dans des escaliers sans fin. Je terminerai en citant les représentations directes de cette inspiration en peintures murales chez le contemporain Bernar Venet. Les fonctions abstraites et les courbes concrètes en constituent les thèmes principaux.

J’aurai pu poursuivre mon travail avec Robert Delaunay et Picasso, mais mon but était avant tout de montrer que l’inspiration en peinture, thème en débat aujourd’hui, a été après une approche académique et scientifique italienne, celle d’une influence extérieure sociale, culturelle et environnementale qui a très vite régressé au profit du surgissement interne chez les artistes d’un besoin d’évolution dans leurs styles et leurs techniques conduisant jusqu’à une intellectualisation très prononcée comme avec kandisky. Dans cette dernière période on pourrait parler de révolution si l’on en juge par la durée au cours de laquelle on est passé des peintures de Delacroix à celles de Picasso. Une centaine d’année seulement se sont écoulées. Au cours de ces quelques dizaines d’années il faut noter également l’étape du fauvisme qui a surtout été marquée d’une influence interne, celle du besoin d’exprimer son art avec une énergie nouvelle. Selon les auteurs plusieurs œuvres étaient réalisées en atelier où naissaient de nouvelles harmonies vives mais équilibrées. Repérant un site, un espace, l’on peut d’ailleurs se demander si l’artiste ne le voyait pas déjà dans des tons et expressions nouveaux voire complètement abstraits.

Avant de rapporter ce que j’ai recueilli auprès de mon environnement artistique je voudrais revenir à ce qui sont peut-être les meilleures lectures de l’inspiration, celles qui touchent à l’âme et à l’émotion. Chez les grands maîtres de la peinture il y a celle rapportée dans les textes que j’ai lu et concernant Van Gogh. Je cite: l’inspiration dans l’âme des scènes observées. J’ai pu en effet constater par moi-même que l’observation répétée ou continue d’un espace, d’une maison, d’un arbre, etc… déjà repéré pour ses caractéristiques artistiques pouvait finir par lui donner cette âme, l’émotion, la vie qui s’en dégage. Le peintre est alors conduit à placer cet espace, cette maison, cet arbre sur sa toile dans l’environnement qui lui permet de traduire et de révéler le message qu’il a ressenti. La façade de la cathédrale de Rouen pour Monet et la montagne Ste Victoire pour Cézanne ne répondent-elles pas à ce cas ?

Venons-en maintenant aux quatre témoignages proches.

Un premier témoignage, celui d’une personne d’un niveau d’études supérieures née dans un milieu artistique, à débuté par l’expression de ce qu’elle appelle des anti-inspirations que constituent pour elle les réponses à des obligations prédéfinies de thème et de format à visée décorative. Son inspiration est mêlée de plusieurs besoins, celui de se maintenir dans le milieu artistique de sa jeunesse, celui  d’exorciser certaines pensées et celui de satisfaire une grande curiosité par l’aventure que constitue, il est dit, la création. La recherche de celle-ci est le moteur de son inspiration actuelle ainsi que le plaisir de se trouver ainsi dans l’inattendu et de se laisser surprendre dans une progression artistique. Son inspiration se situe davantage dans cette progression que dans le débouché final. On se situe là à mon avis devant la double inspirations ou influences, externes par l’ambiance initiale d’une famille d’artistes, et internes par le besoin de créer dans un long travail fait de recherches et de découvertes.

Le second témoignage est celui d’un peintre dit expressionniste sans doute pour l’importance accordée aux formes, d’éducation catholique classique et de formation supérieure technique, ayant exercé des responsabilités assez importantes rapporte que pour lui deux cas principaux pouvaient se présenter. Devant un sujet où il constatera une originalité, une évocation marquée de sensibilité, de tendances, d’équilibre, de départ d’un mouvement il le travaillera  jusqu’à représenter et stabiliser une scène dont les mouvements, les cohérences, les formes et l’expression sensible de la scène lui apporteront de premières satisfactions. Dans le second cas le thème sera plus imaginatif et s’inspirera de souvenirs récents ou plus anciens assemblés dans un tracé jusqu’à constituer là aussi un ensemble qui répond à un besoin mental. Les couleurs seront choisies et traitées avec le même état d’esprit celui d’aboutir à une pleine satisfaction. On parlera là également d’un cas d’influences externes socio-éducatives et professionnelles complétées d’inspirations internes liés à sa personnalité.

Dans le troisième témoignage la part de l’influence interne sur l’expression artistique est très importante mais cette influence pourra souvent résulter elle-même d’environnements particuliers tels que ceux que produit la lumière. Le gris du mauvais temps pourra agir avec la même vigueur que l’éclatante lumière du soleil. La traduction en émotion sera présente sur les œuvres pour l’observateur attentif ou sensible aux mêmes aspects. Les influences de l’émotion et de l’humeur agiront beaucoup sur le choix de la scène ou du thème ainsi que sur celui des couleurs qui pourront être très vives ou beaucoup plus ternes. Les aléas de la vie, personnels ou de proches, se remarqueront souvent sur les œuvres réalisées mais avec toujours une dynamique ou une traduction d’espoir sur celles qui ont été réalisées dans les moments les plus difficiles.

Ce témoignage révèle le mental très profond d’un artiste qui sait extraire le message pictural tant des moments les plus noirs que des plus joyeux. Le beau ne lui suffit pas pour lui donner envie de peindre, il faut qu’un sentiment l’accompagne.

Le dernier témoignage d’inspiration est celui de la fascination, fascination par les couleurs, par les horizons, par l’espace terrestre. De l’immensité des plaines telles que celle de la Beauce d’où surgit la cathédrale de Chartres peut naître chez l’artiste concerné un sentiment d’extase retranscrit sur toile avec une grande émotion. Dans ce témoignage c’est le concret du milieu naturel avec toute ses vérités sensorielles et non les transpositions ésotériques provenant de contemplations, par exemple de ciels mouvants, qui génèrent l’inspiration. Les effets picturaux des ciels changeants sur ce concret auront en revanche une grande importance dans son inspiration des couleurs et de leurs nuances. L’inspiration vient beaucoup des couleurs observées, celle des vitraux notamment pour reprendre l’exemple de la cathédrale. Ils sont toujours une source d’inspiration. Les émotions de la vie auront également un grand impact sur la traduction en peinture des ressentis. Ceci se manifeste d’abord par des expressions figuratives puis ensuite abstraites mais abstraites dites non-figuratives c’est à dire toujours avec une entrée sur le concret du thème initial. Il peut comprendre un message, mais un message qui s’appuie toujours sur des évènements actuels ou sur ceux d’une éducation très riche, religieuse et rigoureuse. Le contenu de la bible pourra être une source d’inspiration.

Ce cas d’inspiration est celui de forts ressentis par les réalités externes concrètes, lumineuses, colorées et que la sensibilité interne traduit sur toile de manière figurative ou abstraite avec ouverture sur la réalité observée.

Voilà ce balayage attentif de différentes formes d’inspiration est terminé. J’aurai pu le poursuivre tant la diversité de ce qui conduit aux œuvres picturales est vaste. J’espère qu’il constituera une bonne introduction au débat qui devrait maintenant s’instaurer entre nous. Chacun devrait pouvoir mieux se situer, s’il ne l’avait pas déjà fait, entre ceux qui sont témoin de leur temps par la représentation de leur environnement et ceux qui manifestent soit le besoin d’expurger par la peinture leur désaccord, soit d’exprimer leur sensibilité par des visions concrètes ou abstraites, soit de rechercher le plaisir de créer, soit de vivre grâce à leur talent. Cet exposé était tourné vers la peinture mais bien que connaissant moins le sujet je pense que la sculpture et sans doute d’autres formes d’art trouvent leurs origines dans les mêmes facteurs d’inspiration.

Daniel LUCAS, le 1er /04/2013.

Bibliographie :

Van Gogh de Massimo Gemin.

Cézanne de Isabelle Cahn.

Renoir de Raffaele de Grada..

Matisse-Derain de Remi Labrusse et Jacqueline Munck.

AEAF. EXPOSE-DEBAT DU LUNDI 28 MARS 2011.

L’ART ET LE BONHEUR.

 

L’intérêt que l’on porte aux choses de l’art ouvre l’esprit sur la beauté, sur l’harmonieux, sur l’étrange, sur le mélodieux en produisant des sensations de plaisir plus ou moins fortes quelquefois mêlées d’émotions intenses. Une peintre connue rapportait que pénétrant dans le musée Rembrandt d’Amsterdam son cœur s’est mis à battre plus fort à la vue des premières toiles.

Chez celui qui pratique un art il y a sans doute des prédispositions à percevoir et à ressentir de façon plus sensible les valeurs fortes que l’environnement propose au quotidien de tous. L’artiste les reçoit de manière plus profonde, quelques fois plus originale, au travers des couleurs, des expressions, des formes, des sons ou des mots ainsi que de l’élégance des gestes et attitudes de ceux qu’il rencontre. Les sens sont chez lui maintenus à un plus haut niveau de perceptibilité par la création dont il fait chaque jour sa passion.

De ce qu’il perçoit et de son émotion il éprouve l’envie d’exprimer une traduction. Il le fait par la peinture, par la musique, par la poésie, par la sculpture ou par tout autre moyen créatif. Il peut aussi conserver à l’esprit ces impressions pour les recomposer ensuite avec d’autres visions d’où surgiront des créations artistiques d’expression complexe. Chez l’artiste, lorsqu’elle est forte, la sollicitation des sens ne s’éteint pas, comme chez chaque être bien sûr, mais, chez lui, la rémanence et ses prolongements sont sans doute plus importants, en particulier ceux de la vision et de l’audition. Si ses émotions et ses sentiments se traduisent dans les faits par une œuvre et qu’elle est réussie l’artiste est satisfait et ressent un plaisir et du bonheur. Ils sont d’autant plus forts que l’élaboration de cette œuvre ne s’est pas limitée à la transcription spontanée d’impressions furtives mais qu’elle s’est faite en cheminant vers le mieux au travers de multiples et successifs arrangements, accords ou combinaisons de couleurs, de sons ou de mots. C’est la cohérence finale transformant toutes ces étapes en une œuvre qui le rend heureux. En outre s’il y a écho, c’est à dire intérêt manifesté par autrui pour la création, ce plaisir et ce bonheur sont décuplés. D’une certaine façon l’artiste cherche aussi à plaire. Sur un plan pratique et personnel l’artiste que je suis, peut-être, et tel que je vois ce créateur au travail, adopte une logique créative sans vision réelle du projet terminé. La forte impression initiale ou celle qui en découle le guide seule au départ vers une structuration progressive du dessin faite de contours et d’équilibres. C’est le cheminement de graphisme en graphisme qui aboutit à la vision finale. Le flash initial est alors mêlé d’une multitude de découvertes et d’impressions nouvelles.

Le véritable art, si on l’associe au bonheur qu’il est susceptible de produire à l’artiste, ne peut pas être le résultat de choses furtives aussi belles soient elles. C’est un point de vue personnel et j’admets qu’il puisse être contesté. Je ne parle pas des chefs d’œuvres encore produits par certains grands artistes, car là cette vérité n’est pas contestable, mais  des musiques, des peintures, des poèmes plus courants,… dont l’expression produit chez chacun quelque chose d’indéfinissable qui transporte au delà des réalités.

Maintenant, toujours dans cette démarche d’analyse du bonheur de créer, si l’on compare le développement des projets de la vie courante à celui un peu erratique de l’art comme décrit précédemment, conduit par le seul sensitif, c’est assez différent dans les deux cas même si le sentiment y est très présent à chaque fois. J’en parle pour tenter un discernement entre les deux contextes vus sous l’angle du bonheur, tel que je le ressens maintenant et bien que ma vie en général ait été déjà jalonnée de réalisations passionnées. Dans les réalisations de la vie courante, surtout si l’enjeu est important et vital, la voie suivie est faite d’éléments qui laisse peu de place aux variations subjectives d’influence sentimentale. La route est tracée et doit aboutir au résultat. Le sentiment laisse des traces mais n’influence que très peu le chemin suivi au regard de celui qui marque l’art, tel que défini précédemment. Dans  cet art, la cohérence finale de l’œuvre est l’aboutissement d’une succession de progressions partiellement imprévisibles mais, qui s’ajustent les unes aux autres au fur et à mesure des perceptions et des compositions. Dans la vie courante, les obligations établies imposent d’aboutir au résultat fixé. La démarche de réalisation n’exclut pas bien sûr celle de réussir et de satisfaire mais, il n’y a pas l’évasion artistique dans la conduite du projet telle que décrite,  celle qui conduit au plaisir et au bonheur de créer et pas simplement d’aboutir. « Le chemin c’est le bonheur » ou, « le bonheur est un voyage » mais pas un but, disent certains auteurs*. Dans l’art c’est le ressenti et non d’autres exigences qui conduisent la réalisation d’où les sentiments de totale liberté et de plaisir. Ecrivant cela je repense à la remarque d’un haut fonctionnaire chargé de former des sportifs de haut niveau et à qui on suggérait quelques évasions par l’art à ses élèves. Il les craignait par peur de ne pas aboutir dans sa mission. Avait-il   raison ? Dans l’art les difficultés et les déplaisirs se succèdent aussi quelquefois, ils précèdent, en principe, les plaisirs, plaisirs des accords enfin trouvés. Quel peintre n’a pas jouit de la soudaine apparition de la lumière produite par la touche  judicieuse ou encore de celle du mouvement et de l’équilibre atteint par un dernier tracé. La persévérance est indispensable dans la recherche du vrai bonheur par l’art. Ceci est une vérité générale établie  mais c’est un autre sujet.

L’artiste, lorsqu’il travaille pour des commandes répétées d’œuvres, ne devrait pas, s’il le peut, abandonner les démarches du plaisir de créer. Chaque création risque d’être destinée à la simple satisfaction du fait accompli. S’il veut conserver le plaisir par l’art chacune de ses créations doit être fortement inspirée, menée librement et bordée de découvertes traduisant en final, de manière ressentie, sensible et vivante ce qu’il a éprouvé tout au long de sa démarche artistique. Le quotidien de la vie est malheureusement là, exigeant, pour certains. L’éclairage, la phrase, le son mélodieux, l’expression, le geste, l’harmonie de couleurs ou la construction mentale perçue doit être présent en permanence à son esprit. L’artiste traduit du mieux qu’il peut cette impression. Il prend soin de lui donner de la force et, de limiter ce qui l’entoure à la seule et nécessaire mise en valeur d’une composition équilibrée, belle et expressive. Son bonheur atteint, par l’atmosphère qui se dégage de son œuvre, il pourra laisser une place pour que son rêve n’apparaisse pas achevé mais maintenu au stade de possibles nouvelles aventures. C’est ce qui fera également vivre durablement chez autrui une chanson, une musique, une peinture que l’on ne se lasse pas d’écouter ou de regarder. En réalité, le véritable artiste ne souhaite jamais aboutir à une forme terminée, figée et banale de ses idées, ou à produire pour produire, mais essaie à chaque fois d’obtenir par son art une représentation forte, active et suggestive des sollicitations qu’il a reçues. Il néglige le superflu pour renforcer l’essentiel. Ainsi tout en donnant la clé de ses sentiments, il ouvre des portes sensuelles et par là même sert d’intermédiaire entre ses propres perceptions et une totale liberté de regard ou d’écoute des autres. L’artiste laisse à ceux qui interrogent, regardent ou écoutent son œuvre la place pour un « voyage » à faire au travers de l’état sentimental, psychologique, éventuellement spirituel du moment. Une toile de Monet, de Dali, de Picasso ou de Klimt, une œuvre musicale de Chopin ou une chanson populaire de Piaf ou de Brel ne laisseront jamais indifférent et chacun pourra y trouver la beauté et l’émotion qui lui convient. L’art, lorsqu’il y a œuvre véritable, a cette propriété d’ouvrir chez ceux qui le reçoivent un espace permanent d’imagination et d’interrogation, il va au-delà de l’émotion initiale. Le bonheur et le plaisir sont alors ressentis sans lassitude. Ceci explique, en peinture, les écarts de perception entre ce qu’a voulu exprimer un artiste et ce que voit et ressent l’observateur. Ces écarts varient suivant les sensibilités et le vécu mais aussi, suivant le style du peintre. De nos jours ce style se situe entre, d’une part, le très figuratif ou l’impressionnisme que  certains voient comme un premier pas vers l’abstraction et, d’autre part, le pur abstrait voire certains styles contemporains qui se limitent aux impressions ou expressions particulières. L’œuvre est révélatrice de sentiments personnels.

Pour terminer cette modeste réflexion sur le bonheur par l’art, il faut préciser que pour l’artiste, les joies et le bonheur au présent par son art, celui qui « transporte », ne seront également véritables et durables que si son rêve ménage des espaces de raisonnement et d’apaisement garants de son équilibre personnel. L’accès au rêve ne doit pas devenir celui d’un chemin sans retour possible. Le fossé devenu alors infranchissable supprimerait tout accès au plaisir de l’évasion par l’art et deviendrait un état mental permanent incompatible avec le bonheur.

Un propos ultime: comment écrire de telles lignes si l’on n’est pas, comme lors d’une création artistique, dans un « voyage », embarqué par ce que l’on a entendu, ce que l’on a vu, ce que l’on a lu ou ce que l’on a ressenti ou imaginé derrière des apparences, et qu’une balade dans la nature ou l’audition d’une musique, ont fait mûrir là dans un moment de réalisme.

Que d’allers et retours sur les sentiments de joie et de bonheur et de franchise avec soi-même pour arriver à terminer cette réflexion ! Le monde professionnel que j’ai vécu est loin. L’efficacité de son pragmatisme mêlé de social, de relationnel et de technique n’est cependant pas oublié. Il conduit encore l’essentiel de ma vie dans les périodes de réalisme nécessairement présentes au quotidien.

A ceux qui partagent mon sentiment de peintre. Daniel Lucas.

Sceaux le 26 février 2007 revu et corrigé le vendredi 12 mars 2011.

 

SALON DE L’AEAF. Exposé-débat du 30 mars 2012. Version publiée sur ce site mise à jour le 19/3/2015 pour exposé au CCAA d’Antony.

LA COULEUR.

Les artistes, les scientifiques et les philosophes se sont souvent interrogés sur la couleur, ses origines et ses effets sur l’être humain. Les quelques citations suivantes couvrent la plupart de leurs réponses et constituent une bonne introduction à cet exposé qui propose une démarche analytique de ce qui les a conduit à leurs conclusions.
MONDRIAN, peintre abstrait des lignes et des couleurs primaires arrivait à ce constat que « tout se compose par relation et réciprocité. La couleur n’existe que par l’autre couleur, la dimension par l’autre dimension, il n’y a de position que par opposition à une autre position ».
Interrogation: Toute valeur ne pourrait par conséquent s’apprécier que dans la relativité et ne serait autrement qu’illusion ?
CEZANNE, notamment dans sa période impressionniste, déclarait que « la nature pour nous hommes est plus en profondeur qu’en surface, d’où la nécessité d’introduire dans nos vibrations de lumière, représentées par les rouges et les jaunes, une somme suffisante de bleutés, pour faire sentir l’air ».
Interrogation : Le bleu aurait-il une influence sur l’impression de distance ?
JEAN FRANCOIS KAHN dans son livre récent sur la philosophie de la réalité dit que « dans l’œil de Claude MONET, c’est le ressenti qui reconstruit peu à peu le perçu. Infusion de touches et de taches, cascades de couleurs qui se nouent et se dénouent comme des notes, comme des cris, comme des rires ».
Interrogation: L’expression de l’émotion peut-elle se détacher de l’expression du perçu ?
GASTON BACHELARD, lui, en scientifique et philosophe contemporain qu’il était, disait que « le noir est le refuge de la couleur ».
Interrogation: Le noir absorberait-il les couleurs ?
JEAN GUITTON, philosophe contemporain lui aussi, disait que « la couleur est la gloire de la lumière ».
Interrogation: La lumière jaillirait-elle en couleurs dans certaines circonstances ?
RAOUL DUFY, 19,20ème siècle, comparant l’art de la peinture à l’art des relations entre les êtres humains se demandait si « manier des couleurs et des lignes, n’est ce pas une vraie diplomatie, car la difficulté c’est justement d’accorder tout cela ».
Interrogation: l’art pictural renfermerait-il une forme de psychologie?
JOHANN WOLFGANG VON GOETHE, 18ème siècle, un des premiers à avoir apporté un peu d’ordre dans les teintes par son traité sur les couleurs, avait déjà constaté l’apparition d’une couleur complémentaire en fixant son regard sur un pavot rouge. Il déclarait d’une façon un peu poétique, entre autres chose, que « les couleurs sont des actions de la lumière, ses actions et ses passions».
Interrogation: N’y aurait-il pas de couleurs sans lumière ?
EUGENE DELACROIX, 19ème siècle semblait selon certains donner au choix des couleurs une part plus intuitive et sensitive. Il disait que « la couleur est par excellence la partie de l’art qui détient le don magique. Alors que le sujet, la forme, la ligne s’adressent d’abord à la pensée, la couleur n’a aucun sens pour l’intelligence, mais elle a tous les pouvoirs sur la sensibilité ».
Interrogation: Dans une œuvre picturale le dessin et sa mise en peinture ne se réaliseraient-ils pas avec les mêmes dispositions internes ?
NICOLAS POUSSIN, 17ème siècle, dans sa recherche du beau, estimait que « les couleurs dans la peinture sont des leurres qui persuadent les yeux, comme la beauté des vers dans la poésie ».
Interrogation: L’expression artistique a-t-elle besoin d’interpréter pour séduire et plaire ?
Toutes ces citations mettent en lumière, si l’on peut dire, que la couleur a quelque chose, d’inconsistant, d’intouchable, d’inexistant que la pensée et le raisonnement humain ont au premier abord du mal à saisir. Pour parvenir aux dimensions de cet espace immatériel il faut retracer le cheminement de ceux qui se sont interrogés sur ce domaine qui touche au corps, à l’esprit et à la lumière.
Pythagore, 5ème siècle av JC, pensait que des rayons sortaient de l’œil pour aller chercher la couleur.
Epicure, 3ème siècle av JC, disait lui, au contraire, que c’était les corps eux-mêmes qui émettaient des rayons.
A l’époque de Platon et d’Aristote, se précisa l’idée que la vision des couleurs provenait de la rencontre d’un « feu visuel » sorti de l’œil et de rayons émis par les corps perçus. Il semblait aussi admis que le phénomène couleur se produisait en présence de trois éléments, la lumière, l’objet et le regard, ce qui excluait par conséquent l’existence de couleurs sans regard.
Goethe pressentait lui aussi qu’une couleur que personne ne regarde est une couleur qui n’existe pas.
En simplifiant et raccourcissant la question on n’était pas loin de la vérité scientifique actuelle. Cette science a démontré que la couleur, ce ne sont que des sensations transmises à notre système nerveux par nos yeux. Ces sensations sont produites par des ondes électromagnétiques de fréquences et de longueurs d’onde définies qui agissent sur les rétines et plus particulièrement sur leurs cellules, les bâtonnets et les cônes. Les premières réagissent aux gris et les secondes aux couleurs. Chaque matériau, chaque fluide, chaque gaz, que l’on voit transmet vers les yeux les ondes qu’il n’aura pas absorbées, quelques fois après des phénomènes complexes comme la réfraction et la diffraction dans l’air et les matières transparentes ou translucides. Ces ondes transmises produisent la couleur. Dans le cas d’éclairement par la lumière du soleil d’un corps quelconque, le visible sera contenu au sein d’une étroite bande d’ondes électromagnétiques comprise entre l’ultra-violet et l’infra-rouge, c’est à dire pour simplifier les couleurs de l’arc en ciel. En deçà et au-delà rien n’est visible directement par les yeux. Ce sont pour ne citer qu’elles, d’un coté les ondes radio et les micro-ondes et de l’autre, les rayons X et les rayons gamma. Ce corps apparaîtra rouge, vert, bleu, etc…suivant que ce corps réfléchit les ondes correspondant au rouge, vert, bleu,etc….et absorbe les autres. Le corps absorbant toutes les fréquences apparaîtra noir. A l’inverse le corps les repoussant toutes apparaîtra blanc. Pour mémoire c’est Isaac Newton qui décomposa la lumière blanche en rayons colorés à partir de ses expériences du prisme au 17ème siècle.
Ces vérités scientifiques exprimées, sans doute un peu rapidement, constituent les dimensions physiques et les réactions physiologiques de la perception des couleurs. Elles répondent aux citations vu précédemment de Guitton, de Bachelard et de Goethe qui traitent de la composition de la lumière mais, elles n’abordent pas le ressenti par l’homme de la vision des couleurs. Ce deuxième aspect, présent dans les autres citations, n’est pas le plus simple à aborder car il fait intervenir des dimensions émotionnelles voire spirituelles au sens large du terme, c’est à dire la beauté, l’harmonie, l’éclat, le sublime, les impressions de chaleur et de froid et tout ce qui produit un effet difficilement mesurable sur notre système nerveux. Delacroix distinguait la sensibilité développée par la couleur, de la pensée et l’intelligence traduite par les formes et les tracés. Bien qu’il s’agisse d’un grand artiste faut-il partager ce propos ? Même si il y a une part de vérité sur laquelle seul un psychologue pourrait donner un avis, on ne peut exclure l’effet des sentiments et d’une certaine sensibilité sur les tracés et les formes du créateur.
L’origine et les effets à l’état brut des couleurs étant mieux compris, ceci aide peu l’artiste, il s’interroge toujours sur le mariage des teintes, leurs nuances, leur intensité et leur distribution dans une œuvre en cours d’élaboration.
Quels effets vont produire telles ou telles contiguïtés de couleurs, leurs contrastes, leurs nuances? Cela correspond-il au thème choisi ou aux idées découvertes lors de la progression de l’œuvre et qu’il faut mettre en valeur ? Mondrian disait que tout se compose par relation et réciprocité. La vérité artistique se trouverait dans la cohérence d’un ensemble, dans son équilibre, dans la mise en valeur d’un essentiel mais ce peut-être aussi dans l’effet particulier voulu par l’artiste et dont l’originalité apporterait sa force à l’œuvre. Seul cet artiste et quelques admirateurs le percevraient peut-être ! Dans la toile « Le pont de Mantes » de Camille Corot le béret rouge apporte une force importante à l’œuvre, non perceptible au premier regard. La qualité d’une œuvre d’art c’est aussi le résultat d’une relation entre cette œuvre et celui qui la contemple. L’artiste crée, encode, émet et, le spectateur, reçoit et décode, mais ce spectateur peut décoder l’œuvre avec ses propres références, consciemment ou inconsciemment, et interpréter différemment ce qu’a voulu l’artiste.
Dans ces références de l’esprit qui conduisent aux appréciations diverses de la couleur, il y a d’abord l’enfance que l’environnement familial a marquée, notamment sur la vue toute neuve. Il y a ensuite l’ambiance culturelle et le symbolisme des couleurs qui encadrent la vie. A notre époque ce symbolisme collectif des couleurs se retrouve dans les emblèmes nationaux, dans les signalisations, dans les traditions festives ou religieuses et dans les expressions dont les évènements en cause ont été rapprochés d’une couleur ( broyer du noir, voir la vie en rose, se mettre au vert, donner carte blanche, en faire voir de toutes les couleurs, une peur bleue, rire jaune, blanc comme neige, etc…). C’est la société qui fait la couleur, qui lui donne sa définition et son sens, qui construit ses codes et ses valeurs nous dit Michel Pastoureau. Le vert était une couleur maudite au moyen âge. Les fous, les sorciers et Judas dans sa représentation sur la Passion, étaient habillés en vert. Plus tard il y a eu la légende selon laquelle Molière, dans son dernier rôle avant sa mort, étaient vêtu de vert. Le bleu, les Grecs et les Romains de l’Antiquité l’assimilaient eux à la barbarie. Chez les occidentaux ce bleu prendra progressivement une valeur positive mais il mit très longtemps à s’imposer dans la civilisation et les religions de l’époque. On ne vit apparaître le bleu dans les édifices religieux qu’à partir des 12ème et 13ème siècle, ceci dans les vitraux mais pas dans le code liturgique qui n’en comportait toujours pas. Saint Louis, 13ème siècle, fut le premier roi de France à se vêtir de bleu. Dans l’église s’affrontaient les pour et les contre la couleur, celle-ci étant lumière pour les uns et matière pour les autres. Dans les cultures plus anciennes c’est le rouge qui dominait avec le blanc et le noir. Ce rouge survivra dans l’habillement jusqu’au 18ème siècle, où il prit une dimension plus politique, et rivalisera avec le noir et le gris sans que le bleu ne se démoda au contraire. Le bleu devint ensuite couleur dominante après la révolution de 1789 malgré quelques conflits subsistants avec le blanc royaliste. Bref on en voyait de toutes les couleurs ! Dans son livre sur le bleu Michel Pastoureau rapporte que cette évolution se fit déjà sentir dans les périodes d’austérité et de moralisation des 14 et 15ème siècles et, pour le noir, qu’il y eu à partir du 16ème siècle l’influence des calvinistes. Les couleurs tentaient de séduire et de tromper selon eux, alors qu’elles étaient lumières pour les catholiques. Les classes sociales pouvaient aussi se distinguer par la couleur vestimentaire. Par ailleurs, le coût économique des substances de base intervenait. Le cuivre, le manganèse, le lapis lazuli ou, le cobalt présent dans le bleu des vitraux de St Denis et de Chartres, entraînaient semble-t-il des coûts très différents. Pour les tissus les premiers choix se faisaient entre la guède, le pastel et l’indigo mais ce dernier en provenance du nouveau monde rivalisait de trop avec les produits européens. En France plusieurs édits royaux du début du 17ème siècle allaient jusqu’à l’interdire, sous peine de mort, nous dit également Pastoureau, mais ceci ne durera pas. A noter enfin, dans ces évolutions des couleurs dominantes, que le 13ème siècle fût un siècle de grande concurrence entre les teinturiers du rouge, produit de la garance, et ceux du bleu.
A propos de l’inconscient et des ambiances personnelles et collectives qui y conduisent, Johannes Itten disait que « le secret le plus profond et le plus essentiel de l’action des couleurs demeure invisible même pour l’œil et ne peut être contemplé que par le cœur ». On retrouve ici un peu la pensée de Delacroix.
Léonard de Vinci lui, notait que « Le visuel agit de manière prédominante sur la pensée, notamment la couleur ».
Les auteurs de la psychologie actuelle des couleurs et de leur symbolisme ajoutent à ce qui précède que leur perception par des sens apparemment étrangers à la vision comme l’odorat, l’audition, le goût pouvaient exister, bien que cela ne concernerait qu’un faible pourcentage de personnes. Ceci s’appelle la synesthésie. Toutefois, les scientifiques et les musiciens précisent que pour l’audition, si l’oreille humaine avertie est capable de reconnaître plusieurs notes dans un accord, l’oeil n’a pas la capacité de distinguer les diverses longueurs d’onde constitutives de la lumière qu’il reçoit. Kandisky, lui, affirmait qu’il pouvait associer les couleurs à des instruments musicaux précis. Sans atteindre ce niveau peut-on dire qu’observer une œuvre en présence d’une ambiance musicale peut en modifier l’interprétation ou peut influencer le choix des couleurs et des formes chez un artiste?
La couleur peut s’utiliser, comme pour les tracés, soit en simple reproduction de la vision à un instant donné et c’est le pur figuratif, soit, toujours en reproduction de la vision mais, en ne dégageant que la lumière ou les ambiances ressenties comme dans l’impressionnisme. Dans ce cas « Le ressenti reconstruit peu à peu le perçu » comme le dit Jean François Kahn.
Cette couleur peut aussi compléter un tracé qui s’écarte du réel pour mettre en valeur un sentiment, un ressentiment, une pensée, un effet particulier de l’image abstraite construite. Elle peut être aussi l’expression directe et spontanée du mental de l’artiste, celle du cœur comme l’a dit Johannes Itten.
Ces énumérations dans la physique des couleurs, dans ses aspects physiologiques et dans leurs interprétations mentales ne pouvaient pas aller sans quelques analyses et élaborations de bases plus techniques par les artistes et les scientifiques, ceci au fur et à mesure de leurs interrogations. Après Goethe et quelques autres c’est Michel Eugène Chevreul, chimiste du 19 ème siècle, qui réalisa un cercle chromatique s’appuyant sur la loi du contraste simultané. Il remarqua sur les échantillons de tissu de la Manufacture des Gobelins que lorsque la couleur escomptée n’était pas obtenue, ceci incombait à la couleur des échantillons se trouvant à proximité c’est à dire au contraste des deux teintes. Chevreul constata, comme Goethe, que chaque couleur perçue par notre œil suscitait la perception de sa couleur complémentaire, et que, lorsque l’on juxtaposait deux couleurs complémentaires, elles acquéraient plus d’éclat. Deux de nos peintres français qui surent extraordinairement jouer des contrastes, de leurs effets mais aussi des nuances de tons furent Robert et Sonia Delaunay. La toile de Robert « Le manège des cochons » apporte mystère, équilibre, persistance, mouvement, que l’esprit ne se lasse pas de ressentir au regard de l’oeuvre. L’œuvre « Arnolfini et sa femme » de Jan Van Eyck est également à citer. La robe verte sur fond rouge de la femme à proximité de l’homme en habits et fond terre d’ombre, terre de Sienne, tout en nuances, montre la volonté de mettre l’accent sur cette représentation de l’épouse.
Toutes ces analyses scientifiques mirent en « lumière » également que le mélange des couleurs était différent selon que l’on superposait des peintures ou des lumières colorées, ceci étant dû au phénomène d’absorption des ondes électromagnétiques vu précédemment. En peinture le bleu, le jaune et le rouge assemblés donnent un noir qui les absorbe toutes. C’est la synthèse dite soustractive. A contrario, une superposition de lumières verte, rouge et bleu donne du blanc. C’est la synthèse dite additive. L’art plastique conduira à se préoccuper essentiellement du premier cas et c’est ce que les prochaines lignes vont aborder, mais là sans doute encore trop succinctement. Pour le détail, les livres de Bernard Valeur et de Robert Montchaud en décrivent abondamment. L’essentiel à retenir dans un premier temps est que le cercle chromatique le plus courant est composé de douze couleurs dont les primaires sont le jaune, le bleu et le rouge et dont les secondaires sont obtenues par mélange en parts égales de deux primaires, les tertiaires résultant d’un mélange en parts égales d’une primaire et d’une secondaire. Il faut ensuite noter que ce cercle obtenu, il peut se séparer diamétralement en une zone de couleurs chaudes et une zone de couleurs froides. Cette dernière perception est importante en peinture pour distinguer les plans les plus proches des plans les plus éloignés. La toile « Le garçon au gilet rouge » de Paul Cézanne en constitue une excellente démonstration. Les tons chauds rapprochent et les tons froids éloignent. Ensuite, de multiples liens chromatiques peuvent être obtenus allant des plus simples aux plus complexes. Au delà c’est le sens artistique qui intervient et cela ne relève plus d’un exposé théorique. Néanmoins, puisque de nombreux auteurs ont donné une traduction psychologique aux couleurs, et si vous partagez celle qui suit, permettez-moi de vous souhaiter dans votre vie et dans vos créations artistiques, le rayonnement, la force et la puissance du jaune et du rouge, les satisfactions, le calme et l’espérance du vert, la noblesse du violet emprunt du mystère positif qui peut l’accompagner, sans oublier l’évasion romantique et poétique du bleu. L’ONU avec les casques bleus, l’Unesco, l’UE ont adopté cette couleur et aussi pour un temps les peintres Klein et Picasso.
En vous remerciant !
Daniel LUCAS. Le 30 mars 2012.
Bibliographie: La couleur dans tous ses éclats. Bernard Valeur. Ed.
Belin.
Bleu. Michel Pastoureau. Ed. Seuil.
La couleur et ses accords. Robert Montchaud. Ed Fleurus.

SALON DE l’AEAF 2012. Exposé-débat du 30 mars.

 Le Fauvisme. Exposé-débat AEAF Avril    2014.

La présentation du fauvisme que je vais réaliser a été préparée à partir de sources diverses mais principalement de l’important ouvrage de Rémi Labrusse professeur d’université et Jacqueline Munck Conservateur du patrimoine de la ville de Paris, édité en 2005. Il est intitulé « La vérité du fauvisme ». Les unes étant trop succinctes, les autres étendues à l’infini j’ai essayé de m’arrêter à l’essentiel pour retracer ce qu’était le fauvisme afin de permettre un échange à l’issue de l’exposé. Mes réflexions s’y ajoutent. 

 

Je commencerais par resituer le fauvisme dans la chronologie de la peinture française des 19 et 20ème siècle.

 

La peinture française au XIXe siècle:

 

Pour mémoire, tout d’abord, cette époque a été celle de l’invention des premiers procédés photographiques par Niepce et Daguerre, ceci dans la première moitié du siècle, ce peut avoir eu une influence sur ce qui suit.         

  • 1- Le Néoclassicisme fût marqué par l’abandon du rococo telle la peinture de Jean François de Troy,  Bethsabee au bain, et l’arrivée d’œuvres que l’on dit plus simples mais plus rigoureuses inspirées de l’histoire antique comme, le serment des Horaces, par David (1748-1825) et, Napoléon premier de Dominique Ingres (1780 – 1867).
  •  
  • 2-Ensuite c’est le Romantisme, qu’Eugène Delacroix (1798 – 1863) marqua par La liberté guidant le peuple et femmes d’Alger, ainsi que Géricault (1791-1824) par, Le radeau de la méduse.
  •  
  • 3-Puis vint le Réalisme de  Jean-François Millet (1814 – 1875) avec des peintures comme, Les paysans au pied de la meule, d’ailleurs copié par Van Gogh.                                                                                                              
  • .
  • 4-Enfin ce fût l’Impressionnisme, précurseur et accompagnateur du Fauvisme, né au cours de la 2ème moitié du 19ème siècle. Son nom lui fût donné par la toile de Claude Monet, Impression soleil levant.                                                                                       

 

La peinture en France au XXe siècle.

                             

         Le précurseur du Fauvisme fût Henri Matisse (1869 – 1954) mais il y eu 3 autres grands artistes concernés, je dirais associés, ce sont Maurice de Vlaminck (1876 – 1958), André   Derain (1880 – 1954) et  Georges Braque (1882 – 1963).

  •  Nous y reviendrons plus loin.
  •                                                                                                                                          1- L’Ecole de Paris fût marquée par les travaux de Marc Chagall (1887 – 1985) avec ses visions romantiques, ses vitraux et le plafond de l’Opéra Garnier.
  •  
  • 2- Apparue également l’Abstraction lyrique de Robert Delaunay (1885 – 1947) reconnaissable à l’enchevêtrement de figures circulaires et de Georges Mathieu avec ses scènes abstraites jaillissantes et éclatantes.

       

 L’art contemporain, le cubisme, l’abstraction                                                  Je citerais simplement  Malévitch, Mondrian, Kandinsky, Braque, Picasso,        Estève, Delaunay, Léger. Parmi les très nombreux mouvements artistiques pré-abstraction qui incarnent une part substantielle et notable d’abstraction, il faut souligner le fauvisme pour son usage des couleurs clairement et délibérément altérées par rapport à la réalité et, le cubisme qui modifie de façon flagrante les formes de la vie réelle..

         Pardon pour l’identification très simplifiée que je viens d’effectuer des œuvres de ces grands artistes, il fallait situer le fauvisme.                                                 

Le fauvisme.

         Je commencerais par un premier aperçu de ce style d’expression :

         Derain : La route tournante.   Matisse : La femme au chapeau.

  • 1- Les peintres :                                                                                                               Portraits croisés de Matisse et Derain 1905 et de de Vlaminck par Derain.    

Le fauvisme est un terme issu d’un propos de Louis Vauxelles critique d’art de l’époque. Le fauvisme résulte d’une rencontre à Collioure de Derain et de Matisse au début du 20ème siècle après d’importants courriers assez philosophiques, notamment de Derain à Matisse. Le premier, Derain, était autodidacte, il travailla beaucoup au Louvre où il effectua des copies. Ses nombreuses lectures de grands auteurs notamment de Nietzsche et de Zola,  alimentent ses réflexions, ainsi que ses courriers à de Vlaminck et à Matisse, notamment pendant son service militaire. Ceci conduit à le classer parmi les peintres intellectuels et, à le voir dans une carrière littéraire plutôt qu’artistique. Le second, Matisse, son aîné de dix ans, sortait des ateliers Gustave Moreau, peintre romantique-académique. Il s’intéressa beaucoup aux travaux de Gauguin, de Cézanne et de Van  Gogh mais ses échanges avec Derain et Vlaminck sur le fauvisme furent un passage important de sa vie d’artiste. A noter que ces deux derniers, Vlaminck et Derain, ont travaillé ensemble quelque temps dans un atelier de Chatou. Matisse, considéré comme le « fauve des fauves », dominait un Derain, « cyclothymique et neurasthénique à ses moments » selon l’un des auteurs de référence mais, qui l’impressionnait par ses réflexions sur la peinture. Inquiet et chercheur Matisse était souvent influencé par son entourage dessinateurs et peintres. Certains critiques de l’époque allaient jusqu’à le dire trop versatile dans son art. Derain aurait été pour lui, je cite, « un motif majeur d’ébranlement et de mise en mouvement intellectuelle ».

Cette évolution dans l’art pictural, pour ne pas dire révolution, soulevait beaucoup de critiques des peintres sur les œuvres de leurs confrères. J’ai relevé des propos assez désagréables émis par André Derain et par Maurice Denis sur leurs orientations respectives.                                  

Derain à propos du travail de Denis dans une lettre écrite à Vlaminck dit, je cite : « Faire des compositions visibles, c’est à dire s’amuser à composer des tableaux comme Denis, qui sont des choses que l’on peut voir, en somme, ce n’est que la transposition d’une mise en scène de théâtre. »

         Denis sans citer Derain mais critiquant l’école de Matisse en 1905 et parlant des jeunes artistes dans ses comptes rendus de Salon, dit de son côté je cite: « A force de se vouloir personnels, originaux, libérés de toute influence, les jeunes artistes en sont arrivés à s’enorgueillir des moindres singularités de leur technique improvisée. L’absence de toute technique traditionnelle, de tout métier enseigné, correspond, chez les jeunes peintres, à une sorte de virtuosité anarchique qui détruit, en la voulant exagérée, la fraîcheur de l’expression individuelle ».

  • Voilà relevés quelques passages qui retracent l’esprit dans lequel se développait le fauvisme.                      

        2- Le style :

            Certains auteurs actuels considèrent que le fauvisme n’est pas un mouvement dans l’évolution de l’art pictural comme l’a été précédemment l’impressionnisme, ni un style mais, je cite, « un dérèglement raisonné de la peinture occidentale qui s’étala sur 5 ans ». Selon ces mêmes auteurs, le fauvisme contient déjà tout le 20ème siècle, il déforme comme jamais les apparences, les contours, les couleurs, c’est une révolte violente, une déconstruction chromatique qui conçoit déjà l’abstraction. Il sépare la couleur de sa référence à l’objet afin d’accentuer l’expression et réagit de manière provocatrice contre les sensations visuelles et la douceur de     l’impressionnisme. Il faut cependant noter cette phrase de Derain tirée d’une lettre à Matisse, je cite : « Mais ce qu’il faut à tout prix, c’est de réformer la conception d’harmonie qui fait croire que pour être harmonieux, il faut être gris, c’est à dire présenter une surface unie lisse sans brusques écarts ». Il ajoute, « Il y a toujours harmonie dès que les tons s’expriment les uns par les autres et que leur somme est un ensemble absolu ordonné ». Mondrian disait de son côté que, « Tout se compose par relation et réciprocité. La couleur n’existe que par l’autre couleur, la dimension par l’autre dimension, il n’y a de position que par opposition à une autre position ».

Les critiques de l’époque en traduisent alors que le sens ne naît pas des éléments en soi mais des rapports entre les éléments. Seule compte la vie produite par leur mise en relation. Ils ajoutent que si le néo-impressionnisme de Seurat et de Signac, père des peintres impressionnistes pointilliste, avait lui aussi défini l’usage des couleurs en terme de rapport, c’était à partir d’une conception scientifique qui conférait à chaque teinte et à chaque ton une identité propre d’où découlait la logique des rapports. Pour Matisse et Derain, à cette époque, ce sont surtout les rapports qui sont importants. Il n’est plus question d’identité de la couleur ou de la ligne. Néanmoins, pour eux, les impressionnistes représentèrent la première source de leurs travaux. Leurs touches particulières qui juxtaposent des couleurs pures au lieu de les mélanger laissent à l’œil du spectateur le soin d’effectuer un travail de recomposition. Cette technique fût reprise par Matisse en particulier lors de sa présence à l’école pointilliste de Signac, à Saint-Tropez en 1904.

         C’est l’époque d’une tendance au pointillisme mais aussi aux aplats à la Gauguin. A noter également que les nabis de tendance dite plus intellectuelle  ( Le talisman de Sérusier)  travaillaient déjà en réaction à la peinture classique mais aussi à l’impressionnisme en la libérant des entraves du réalisme. On note également dans les propos tenus sur le fauvisme l’influence du primitivisme avec référence à l’art africain et océanien. Cela est plus évident pour l’art développé par Picasso.

                   Sérusier : Le talisman.

                  .Monet :Palais des Doges, Bassin aux nymphéas.

                  Cézanne :Moulin sur la couleuvre.

   Signac : La calanque 

   3-Les époques :

     1904, 1905.                                                                                                                               Henri Matisse : La terrasse St Tropez. Luxe calme et volupté ( Peint dans la foulée des cours de Signac 1904-1905). La femme au chapeau (Salon 1905).

    André Derain : Le vieil arbre. Henri Matisse accoudé. Portrait de Henri                 Matisse. Les aloès.

  1905,1906.                                                                                                                                                                                                                                                                                               

Henri Matisse :      La gitane . Bonheur de vivre. Intérieur à la fillette. La plage rouge.

         André Derain :      Hyde park. Le port de l’Estaque. La danse. La route

                                      tournante.         

         1906,1907. 

         Henri Matisse :       Nu bleu. La branche de fleurs. L’idole.

         André Derain :        Paysage à Martigue .La danse. 

                                                                                                                                      On imagine l’effet produit par la débauche des couleurs de certaines toiles au Salon d’automne 1905 notamment la femme au chapeau de Matisse. Cette peinture dite fauve entraîna les pires qualifications, « scandale, fumisterie, démence, ignorance ». Le choc fût brutal et pourtant dès le Salon des Indépendants de 1896 des peintures réalisées durant l’hiver 1895-1896, ainsi que des aquarelles, des dessins et des bois gravés comprenaient déjà des caractéristiques du fauvisme : des couleurs pures, des formes simplifiées, des perspectives abolies et des ombres supprimées. J’ai noté cette métaphore musicale dans mes lectures, je cite : « réaliser des harmonies plutôt que des symphonies colorées » à la Mozart ou Beethoven. Elle me paraît apporter une bonne image de l’évolution à cette époque. Cézanne, Van Gogh, Seurat, Gauguin trouvaient déjà que c’est dans la couleur que se trouvait la puissance de l’expression. On exprime une sensation, une émotion et non plus la réalité du monde. La couleur prédomine dans l’art moderne de ces années là. Elle transmet la force du ressenti par l’exaltation de la couleur telle qu’elle sort du tube et la rapidité d’exécution. Déjà de son temps Eugène  Delacroix  semblait, selon certains, donner au choix des couleurs une part plus intuitive et sensitive (Femmes d’Alger). Il disait que, je cite : « la couleur est par excellence la partie de l’art qui détient le don magique ». Il ajoute :            « Alors que le sujet, la forme, la ligne s’adressent d’abord à la pensée, la couleur n’a aucun sens pour l’intelligence, mais elle a tous les pouvoirs sur la sensibilité ».

         La vie moderne se retrouve dans l’art pictural. En 2005 Matisse disait: « Dans le peintre il y a deux choses : l’œil et le cerveau, tout deux doivent s’entraider: il faut travailler à leurs développements mutuels ; à l’œil par la vision sur nature, au cerveau par la logique des sensations organisées qui donne les moyens d’expression ».

Selon Baudelaire il y aurait un caractère éphémère à la beauté compte tenu de l’incessant mouvement de la vie moderne et de son exigence constante de nouveauté. Mais qu’est ce que le beau ? Je me hasarde à noter au passage que selon Kant, philosophe allemand du 18ème siècle, la beauté est ce qui est sans concept (pas de référence à une règle de l’art), sans finalité ( sans se poser la question de l’intention de l’auteur) et sans intérêt (ni social, ni financier,..) et que, selon des philosophes contemporains, le beau est ce qui place un être dans un état d’harmonie interne total. Le caractère fuyant de la beauté, l’attachement aux émotions et le prolongement des réflexions philosophiques sur cette beauté seraient-ils la cause d’une certaine rapidité de la saisie notée en peinture depuis le début du 20ème siècle? Et puis y-a-t-il vraiment rapidité de saisie ? Une autre question surgit, une sensation, une émotion  peuvent-elles se saisir par la peinture autrement que dans la rapidité d’exécution ? Disons oui si l’on veut en transmettre toute la puissance sans se préoccuper des fondements ( le coup de foudre) et non si ce ressenti instantané se veut compris et transmis par tous les éléments qui le composent comme dans une symphonie musicale. Le fauvisme se situerait alors dans le premier cas. Maintenant un peu d’analyse notée dans mes lectures. La vitesse de transfert de l’émotion se décompose en trois temps: la perception de la réalité par le peintre, la perception de la toile par le peintre et la perception de l’œuvre par le spectateur. La photographie répond à tout cela mais sans la force particulière apportée par le fauvisme et déjà par l’impressionnisme, encore faut-il un sens partagé entre l’artiste et le spectateur. Ces deux étapes de la peinture sont celles de la prédominance de la vibration picturale sur la réalité de l’image. En conclusion à ce passage théorique j’ai relevé que l’entourage de Matisse l’accusait de raisonner avec « ai » en bâtissant des théorèmes plutôt que de résonner avec « é ». Chacun en jugera. J’ajouterais pour finir que le fauvisme n’est effectivement pas un mouvement dans l’art pictural mais un saut dans l’extrême qui a permis l’évolution vers l’art moderne. Dans le mode d’expression de Matisse et de Derain il n’a été qu’un passage associé à des réflexions philosophiques. Matisse restera très attaché à la couleur comme en témoignent ses papiers gouachés et découpés.

         Je vous remercie.

         Daniel Lucas.